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HERCULE.

Tu connais sans doute la fille d’Eurytos ?

HYLLOS.

C’est Iole que tu veux dire, je le suppose.

HERCULE.

Elle-même. Je te fais donc, mon fils, cette dernière recommandation : quand j’aurai cessé de vivre, si tu as quelque respect pour ma mémoire, si tu te souviens des serments prêtés à ton père, prends-la pour épouse, ne rejette pas mes vœux. Qu’aucun autre homme que toi ne reçoive celle qui partagea ma couche ; ô mon fils, sois toi-même son époux. Cède à mes désirs : le refus de cette légère faveur te ferait perdre tout le mérite de tes premiers bienfaits.

HYLLOS.

Grands dieux ! si tu es en délire, m’irriter contre toi serait mal ; mais si tu es dans ton bon sens, comment supporter de pareilles propositions ?

HERCULE.

Ainsi tu refuses de rien faire de ce que je te demande ?

HYLLOS.

Quoi donc ! épouser celle qui seule a causé la mort de ma mère, et l’état déplorable où je te vois ! Quel homme pourrait s’y résoudre, à moins d’être aveuglé par les dieux vengeurs ? Mieux vaut mourir moi aussi, ô mon père, que vivre avec mes plus cruels ennemis.

HERCULE.

Voilà un homme qui paraît vouloir manquer à ses devoirs envers son père mourant ! Mais la malédiction des dieux t’atteindra, si tu désobéis à mes ordres.

HYLLOS.

Hélas ! ton langage annonce l’approche de ton mal[1].

HERCULE.

C’est toi, en effet, qui réveilles mes douleurs assoupies.

  1. Littéralement : « bientôt, à ce qu’il semble, tu diras que tu es saisi par ton mal. »