O femmes ! que je crains d’avoir été trop loin dans tout ce que j’ai fait !
Qu’y a-t-il donc, Déjanire, fille d’Œneus ?
Je ne sais ; mais je tremble de reconnaître bientôt qu’une espérance trompeuse m’a rendue l’instrument de quelque malheur.
Ne s’agirait-il donc pas des présents que tu as envoyés à Hercule ?
Oui, sans doute ; aussi, jamais je ne conseillerai à personne de tenter une épreuve incertaine[1].
Apprends-nous, s’il est possible, le sujet de tes craintes.
Il m’est arrivé une chose qui, si je vous la raconte, ô femmes, vous surprendra comme un prodige inattendu. En effet, le blanc flocon de laine d’une brebis à la belle toison, que j’avais pris pour teindre cette tunique, je l’ai vu se dissiper en fumée, sans être touché par une main mortelle[2], mais se consumer de lui-même, et se résoudre en cendres, sur la terre où il était tombé. Mais, pour que vous sachiez comment tout s’est passé, je m’expliquerai plus longuement. Je n’ai omis aucune des instructions que me donna le farouche Centaure, quand une flèche meurtrière lui eut déchiré les flancs, j’en ai conservé le
souvenir ineffaçable, comme si elles avaient été gravées sur une table d’airain ; il me recommanda, et je l’ai fait exactement[3], de garder ce sang dans le réduit le plus secret, loin de la flamme et des rayons du jour, jusqu’au moment où je l’appliquerais fraîchement. Je me suis con-