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DÉJANIRE.

Quant à la foi qu’on peut y avoir, j’y crois, il est vrai, mais je n’en ai pas encore fait l’épreuve.

LE CHŒUR.

Cependant la certitude est nécessaire pour agir, et quelle que soit ta confiance, tu n’es certaine de rien, tant que l’épreuve n’est pas faite.

DÉJANIRE.

Nous saurons bientôt à quoi nous en tenir, car je vois Lichas déjà hors du palais ; dans peu de temps il sera près d’Hercule. Seulement je vous recommande le plus profond silence ; quand on fait le mal en secret, on échappe du moins à la honte.



LICHAS.

Que dois-je faire ? dis-le moi, fille d’Œneus ; car j’ai déjà tardé longtemps à partir.

DÉJANIRE.

J’y ai pensé ainsi que toi, Lichas, tandis que tu t’entretenais, dans l’intérieur, avec ces femmes étrangères ; tu porteras de ma part à mon époux ce péplus d’un tissu

précieux, comme un don de ma main[1]. En le donnant, avertis-le qu’aucun mortel ne le revêtisse avant lui, il ne doit être vu ni de la clarté du soleil, ni de l’enceinte sacrée[2], ni du foyer domestique, avant le jour où il paraîtra devant les dieux pour leur immoler des taureaux[3]. Car j’ai fait vœu que, si jamais je le voyais ou le savais sain et sauf dans le palais, je le revêtirais solennellement de cette tunique, et il offrirait aux dieux un

  1. Sénèque, Herc. Œt., 570 :
    Fidele semper regibus nomen, Licha,
    Cape hos amictus nostra quos nevit manus.
  2. L’enceinte qui entourait l’autel.
  3. Littéralement : « avant que paraissant lui-même en public, il ne le montre aux dieux, le jour où il immolera des taureaux. »