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comment elle séduisit Jupiter, ou le sombre Pluton[1], ou Neptune qui ébranle la terre[2]. Mais je dirai quels rivaux se sont disputé Déjanire, avant l’hymen, et quels combats acharnés, parmi des tourbillons de poussière, ils ont livrés pour une telle épouse.

(Antistrophe.) L’un était Achéloos d’Œniade[3], fleuve redoutable, énorme taureau aux cornes menaçantes ; l’autre, venu de Thèbes, la ville de Bacchus, armé d’un arc, de flèches et d’une massue[4], était un héros, fils de Jupiter ; tous deux, enflammés d’amour, s’attaquent avec fureur ; et seule, au milieu de l’arène, la séduisante Vénus préside au combat.

(Épode.) Alors on entendait tour à tour le bruit des coups et des flèches retentir contre les cornes du taureau ; mutuellement entrelacés[5], les deux combattants heurtaient leurs fronts avec une violence terrible, et poussaient des gémissements[6]. La belle et tendre vierge, assise près du rivage, sur un lieu élevé, attendait son

  1. Le Chœur fait allusion à l’enlèvement de Proserpine. Sénèque a imité ce passage. Herc. Œt., v. 558 :
    Tu fulminantem sæpe domuisti Jovem,
    Tu furva nigri sceptra gestantem poli,
    Turbæ ducem majoris, et dominum Stygis.
  2. Allusion au passage d’Homère cité par Longin, Iliade, XX, 57 et suivants.
  3. Ville de l’Acarnanie, non loin de l’embouchure de l’Achéloos.
  4. Virgile, Énéide, VIII, 220 :
    Rapit arma manu, nodisque gravatum
    Robur.
  5. ᾿Αμφιπλεκτοι κλἱμακες, sorte de lutte qui consistait à saisir l’adversaire par derrière, et à grimper sur son dos comme par une échelle. Ovide, Métam. IX, 51, décrit ainsi la lutte des deux champions :
    Quarto
    Exuit amplexus, adductaque brachia solvit :
    Impulsumque manu (certum mihi vera fateri)
    Protinus avertit, tergoque onerosus inhæsit.
    Si qua fides, neque enim ficta mihi gloria voce
    Quæritur, imposito pressus mihi monte videtur.
  6. Cicéron, Tusculanes ; II, c. 23, donne l’explication de ces gémissements : « Pugiles vero, etiam quum feriunt adversarium, in jactandis cæstibus ingemiseunt ; non quod doleant, animo ve succumbant, sed quia profandenda voce omne corpus intenditur, venitque plaga vehementior. »