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LE CHŒUR.

Rends-toi à de si sages conseils, tu ne te repentiras pas de lui avoir obéi, et tu obtiendras ma reconnaissance.

LICHAS.

Je l’avouerai, ô maîtresse chérie, puisque je te vois mortelle, avec les sentiments d’une mortelle[1], et pleine d’indulgence, je te dirai toute la vérité, et ne cacherai rien. Oui, le récit de cet homme est fidèle. Cette captive a embrasé Hercule du plus ardent amour, et c’est pour elle que l’Œchalie, résidence de son père, a été livrée au carnage et à la dévastation. Mais il faut aussi lui rendre cette justice, il ne l’a jamais nié, et il ne m’avait point ordonné de le taire ; moi seul, dans la crainte d’attrister ton cœur par ce récit, ai commis cette faute, si tu veux l’appeler de ce nom. Maintenant que tu sais la vérité tout entière, dans l’intérêt commun, de toi et de ton époux, montre-toi bienveillante pour cette femme,

et reste fidèle à tes promesses. Oui, ce héros, invincible contre tous ses ennemis, s’est laissé subjuguer par cet amour.

DÉJANIRE.

Mon intention est aussi d’agir ainsi, et je n’irai pas volontairement aggraver mes maux, en luttant follement contre les dieux. Mais rentrons ; je veux te donner des instructions pour mon époux, et lui préparer des présents, en retour de ceux qu’il m’envoie ; tu ne dois pas partir les mains vides, toi qui es venu avec un si nombreux cortège.

(Ils entrent dans le palais.)



LE CHŒUR.

(Strophe.) Vénus déploie en tout temps sa puissance victorieuse. Je ne parlerai pas des dieux, je ne dirai pas

  1. Epicharme, le premier, a dit :
    Θνατὰ χρὴ τὸν θνατὸν, οὺκ ὰθάνατα τὀν θνατὁν φρονεὶν.
    « Mortel, tu dois conserver les sentiments d’un mortel, et non d’un immortel. »