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a rien d’exact ni de vrai ; mais ou il nous trompe maintenant, ou il nous a trompés d’abord.

DÉJANIRE.

Que dis-tu ? explique-moi clairement tout ce que tu penses, car de tout ce que tu as dit je ne comprends rien.

LE MESSAGER.

J’ai entendu cet homme dire, en présence de nombreux témoins, que c’est pour cette jeune fille qu’Hercule a fait périr Eurytos et ruiné Œchalie aux tours élevées ; l’amour est le seul dieu qui l’ait poussé à cette guerre, et non son séjour en Lydie, ni son esclavage chez

Omphale, ni le meurtre d’Iphitos[1] ; maintenant Lichas passe cet amour sous silence, et contredit son premier langage. Hercule, n’ayant pu persuader à Eurytos de lui livrer sa fille, pour en faire sa concubine, saisit le prétexte le plus frivole pour envahir avec une armée la patrie de cette jeune fille, où cet Eurytos régnait, disait-il, et occupait le trône[2] ; il tue le roi, son père, et ruine la ville. Et maintenant, comme tu le vois, il rentre dans ses foyers, et envoie devant lui cette jeune fille, non sans de grands égards, et non en esclave, ne le pense pas ; et ce n’est pas vraisemblable, avec la passion dont il brûle pour elle. J’ai donc cru devoir, ô ma maîtresse, te révéler tout ce que je tiens de la bouche même de Lichas. Et cela, un grand nombre de Trachiniens l’ont entendu ainsi que moi sur la place publique, et il serait aisé de le confondre. Si ce que je dis ne t’est point agréable, je le regrette, cependant je n’ai dit que la vérité.

DÉJANIRE.

Malheureuse que je suis ! en quel abîme suis-je tombée ! quel fléau caché ai-je reçu sous mon toit ? Hélas ! son nom est-il aussi inconnu que le jurait celui qui l’a amenée ?

LE MESSAGER.

Oui, certes, elle brille par sa beauté et par sa nais-

  1. Ces deux vers sont supprimés dans les éditions de Dindorf et de F. Didot.
  2. Même observation pour les vers qui précèdent.