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où il s’est arrêté[1] ; mais moi, il me laisse d’amères angoisses par son départ ; et j’ai lieu de croire qu’il lui est arrivé quelque malheur. Car ce n’est pas une courte absence, mais dix mois et cinq autres encore se sont écoulés sans que j’aie rien appris de lui ; je redoute quelque grand malheur, à en juger par ces tablettes qu’il m’a laissées en partant, et je conjure les dieux qu’elles ne contiennent rien de funeste[2].

UNE ESCLAVE.

Chère maîtresse, ô Déjanire ! tu as déjà versé bien des larmes, exhalé bien des gémissements sur l’absence d’Hercule ; mais aujourd’hui, si les conseils d’une esclave peuvent éclairer ses maîtres, laisse-moi aussi te proposer un avis : comment donc, toi qui as tant d’enfants, n’envoies-tu pas l’un d’eux à la recherche de ton époux ; Hyllos, surtout, qui doit naturellement, s’il a quelque souci de son père, s’enquérir de sa destinée[3] ? Mais le voici lui-même tout proche, il accourt vers le palais ; si donc tu trouves que je parle à propos, tu peux user de son aide et de mes conseils.



DÉJANIRE.

Mon enfant, mon cher fils, de la bouche même la plus humble peuvent sortir les plus sages paroles. Car cette femme, tout esclave qu’elle est, m’a parlé le langage d’une personne libre.

HYLLOS.

Qu’a-t-elle dit ? apprends-le-moi, ma mère, si je puis le savoir.

  1. Le récit de Lichas, aux vers 248 et suivants, fera connaître l’exil d’Hercule chez Omphale, qui lui fut imposé par Jupiter.
  2. Ces tablettes, dont Déjanire ne dit ici qu’un mot, et qu’elle fera connaître avec plus de détails, v. 155-165, contenaient le testament d’Hercule.
  3. Littéralement : « s’il passe pour jouir d’un heureux sort. »