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ULYSSE.

Oui, c’est Ulysse, c’est moi que tu vois, n’en doute pas.

PHILOCTÈTE.

Malheur à moi ! Je suis vendu[1] ! je suis mort ! le voilà donc celui qui m’a surpris et qui m’a dépouillé de mes armes !

ULYSSE.

Oui, c’est moi, sache-le bien, ce n’est point un autre, j’en fais l’aveu.

PHILOCTÈTE.

Rends-moi mes flèches, mon fils, rends-les-moi.

ULYSSE.

Il ne le fera pas, lors même qu’il le voudrait ; il faut que tu viennes avec ces armes, ou l’on t’emmènera de force.

PHILOCTÈTE.

O le plus lâche et le plus impudent des hommes ! Quoi ! ils m’enlèveront de force ?

ULYSSE.

Oui, si tu ne consens à nous suivre.

PHILOCTÈTE.

O terre de Lemnos[2] ! feu tout-puissant, œuvre de Vulcain, est-il tolérable que cet homme m’arrache violemment de votre sein ?

ULYSSE.

C’est Jupiter, sache-le bien, Jupiter, qui l’a ordonné ainsi, le maître de cette contrée, et je lui obéis.

PHILOCTÈTE.

O créature détestable ! quels mensonges tu imagines ! tu mets les dieux en avant, et tu fais les dieux menteurs.

ULYSSE.

Non, mais véridiques : il te faut donc partir pour ce voyage.

PHILOCTÈTE.

Pour moi, je déclare que non.

  1. Voyez plus haut, vers 578.
  2. Voyez plus haut la note sur le vers 800.