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elles verseront mon sang par représailles, grâce à cet homme qui semblait ignorer le mal ! Ah ! je ne te maudis pas encore, avant de savoir si tu te repentiras de ta perfidie ; mais s’il en est ainsi, puisses-tu périr d’une mort misérable !

LE CHŒUR.

Que faut-il faire ? O roi ! c’est à toi de décider si nous devons partir, ou nous rendre à ses vœux.

NÉOPTOLÈME.

Il est vrai, une pitié profonde me parle pour cet homme, et ce n’est pas la première fois, mais depuis longtemps.

PHILOCTÈTE.

Au nom des dieux, mon fils, écoute cette pitié, et ne te déshonore pas devant les hommes, en me trompant.

NÉOPTOLÈME.

Hélas ! que faire ? Plût aux dieux que je ne fusse jamais sorti de Scyros, tant cette cruelle alternative m’accable !

PHILOCTÈTE.

Non, tu n’es pas méchant, toi ; mais ce sont des méchants qui paraissent t’avoir appris à faire le mal. Maintenant laisse à d’autres la honte[1], rends-moi mes armes, et mets à la voile.

NÉOPTOLÈME.

O Grecs ! que ferons-nous ?



ULYSSE, paraissant tout à coup.

O le plus lâche des hommes, que fais-tu ? Laisse-moi ces armes, et retire-toi[2].

PHILOCTÈTE.

Dieux ! quel est cet homme ? n’est-ce pas Ulysse que j’entends ?

  1. Tel est le sens indiqué par le scholiaste : Νῦν δε ἂλλοις δοὺς τὰ κακὰ οἲς εἰκὸς (c’est-à-dire à Ulysse et aux Atrides), ἔκπλει, τὰ ἐμὰ ἐμοὶ δούς. — Ce passage a été entendu diversement ; on l’explique encore ainsi : « livre-toi à d’autres, dignes de ta confiance. »
  2. Néoptolème ébranlé allait rendre les armes de Philoctète, quand Ulysse qui l’épiait, se présente, et l’arrête.