Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/386

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moi ; songe combien la vie des mortels est redoutable, pleine de dangers, de chances heureuses et malheureuses. L’homme exempt des maux de la vie doit prévoir les revers ; c’est au sein de la prospérité, c’est, alors surtout qu’il faut veiller sur elle, de peur qu’elle ne s’évanouisse à l’improviste.

LE CHŒUR.

(Antistrophe[1].) O roi ! aie pitié de son sort ; il t’a dit ses longues et cruelles infortunes ; daignent les dieux en préserver ceux que j’aime ! Mais, ô roi, si tu hais les cruels Atrides, pour moi, faisant tourner leurs injustices au profit de ce malheureux, je le conduirai où il brûle de retourner[2], dans sa patrie, sur notre vaisseau rapide et bien équipé, évitant ainsi la vengeance des dieux.

NÉOPTOLÈME.

Songe qu’en ce moment tu montres de la complaisance ; mais quand le contact de sa maladie t’aura rempli de dégoût, crains de n’être plus le même, et de démentir ce langage.

LE CHŒUR.

O non ! il n’est pas possible que jamais tu sois en droit de m’adresser ce reproche.

NÉOPTOLÈME.

Je rougis vraiment de paraître moins empressé que toi de secourir un hôte, dans cette occasion pressante. Embarquons-nous donc si tu le veux ; mais qu’il se hâte, et notre vaisseau l’emmènera, je ne m’y refuse pas. Puissent seulement les dieux nous faire quitter heureusement ce rivage, et nous conduire au terme que nous voulons atteindre !

PHILOCTÈTE.

O heureux jour ! Bienfaisant Néoptolème, et vous, compagnons chéris, comment pourrai-je prouver par des

  1. Voyez la strophe plus haut, vers 391.
  2. ῍Ενθαπερ ὲριμέμονεν᾽
    Horace, I, Ep. 14, v. 8 :
    Istuc mens animusque
    Fert