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me tromper ? Car je reconnais, il est vrai, l’habit grec, qui m’est si cher ; mais c’est votre voix que je désire entendre ! Que mon aspect sauvage ne vous cause ni répulsion, ni effroi, ni surprise[1] ; mais ayez pitié d’un homme malheureux, seul, abandonné, sans secours ; parlez-moi, si toutefois vous venez en amis. Rendez-moi donc une réponse, car il n’est pas juste que je ne puisse l’obtenir de vous, ni vous de moi.

NÉOPTOLÈME.

Sache donc d’abord, étranger, que nous sommes Grecs ; car c’est là ce que tu veux apprendre.

PHILOCTÈTE.

O douce parole ! quelle joie d’entendre la voix d’un tel guerrier, après un si long temps ! Mais, ô mon fils, qui t’amène ici ? quelle nécessité ? quel dessein ? quel vent pour moi si favorable ? Dis-le moi, afin que je sache qui tu es.

NÉOPTOLÈME.

Je suis né dans Scyros[2], baignée par les flots, et j’y retourne, on m’appelle Néoptolème, fils d’Achille ; tu sais tout.

PHILOCTÈTE.

O fils d’un père qui m’est si cher, enfant d’un pays que j’aime, nourrisson du vieux Lycomède, quel motif t’amène sur cette terre, et d’où viens-tu ?

NÉOPTOLÈME.

C’est de Troie que j’arrive en ce moment.

PHILOCTÈTE.

Que dis-tu ? car assurément tu n’étais pas avec nous au début, quand notre flotte fit voile vers Troie.

NÉOPTOLÈME.

Est-ce donc que toi aussi, tu as pris part à cette expédition ?

  1. Autre fragment du Philoctète d’Attius :
    Quod ted obsecro ne istæc adspernabilem
    Tetritudo mea me inculta faxit,
  2. Ile de l’Archipel, à l’est de l’Eubée.