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garde en toute assurance ; mais dès que le terrible guerrier[1] sortira de sa retraite, tiens-toi toujours prêt, au premier signe, à profiter du moment.

LE CHŒUR.

(Antistrophe 1.) Tu me recommandes, ô roi, un soin que j’ai déjà pris, j’ai l’œil ouvert sur ce qui t’intéresse : mais à présent indique-moi la retraite et le lieu qu’il habite ; car, pour éviter d’être surpris par lui à l’improviste, il est à propos que je sache en quel lieu il se tient, où il porte ses pas, et s’il est dedans ou dehors.

NÉOPTOLÈME.

Tu vois cette grotte ouverte des deux côtés, c’est là qu’il habite.

LE CHŒUR[2].

Où donc le malheureux a-t-il porté ses pas ?

NÉOPTOLÈME.

Je ne doute pas que le besoin de nourriture ne l’ait conduit par ce sentier dans quelque endroit voisin. Car telle est, dit-on, sa triste vie, c’est en perçant les bêtes farouches de ses flèches ailées, que le malheureux soutient sa malheureuse existence, et personne n’apporte aucun remède à ses maux.

LE CHŒUR.

(Strophe 2.) Pour moi, j’ai pitié de sa misère, en le voyant sans un mortel qui prenne soin de lui, et dont il puisse rencontrer les regards[3] ; l’infortuné, toujours seul, est en proie à un mal terrible, sans moyens de pourvoir au moindre besoin qui se fait sentir. Comment donc le malheureux résiste-t-il à sa détresse ? O industrie de

  1. Όδίτης, voyageur.
  2. Ici, le Chœur s’approche de la grotte, et la trouve vide : c’est ce qui explique le γὰρ de sa réponse.
  3. Μηδὲ ξύντροφον ὅμμ᾿ ἓχων, « sans avoir même un œil qui l’accompagne. » Plus bas, au vers 203, κτύπος φωτὸς σύντροφος τειρομένου, « comme le bruit habituel d’un homme qui marcherait avec peine. » Dans les Acharniens d’Aristophane, vers 988, la Paix est appelée σύντροφος τῆ Κυπριδι και Χάρισι ; dans les Oiseaux, vers 680, le rossignol est ῦμνων σύντροφος ; Ajax, vers 639 : οὺκ ἕτι συντρὸφοις ὸργαῖς ἕμπιδος : « au lieu de rester fidèle à ses mœurs. »