rien faire par un lâche artifice, ni moi, ni celui qui, dit-on, me donna le jour[1]. Mais je suis prêt à emmener Philoctète, en employant la force, et non la ruse ; car ce n’est pas avec l’usage d’un seul pied qu’il triomphera de nous, si nombreux. Ma mission, il est vrai, est de t’aider, mais je redoute le nom de traître ; et j’aime mieux échouer avec honneur que de vaincre par une déloyauté.
Fils d’un père généreux, moi aussi, quand j’étais jeune, j’avais la langue paresseuse et le bras prompt à agir ; mais aujourd’hui, instruit par l’expérience, je vois que, chez les mortels, c’est la langue et non le bras qui gouverne.
M’ordonnes-tu donc de mentir ?
Je te dis qu’il faut prendre Philoctète par ruse.
Pourquoi la ruse plutôt que la persuasion ?
La persuasion n’obtiendrait rien, pas plus que la violence.
A-t-il donc dans sa force une telle confiance ?
Il a des flèches inévitables et qui lancent au loin la mort.
Il n’est donc pas sur de l’aborder ?
Non, si l’on n’emploie la ruse, comme je te le conseille.
- ↑ Allusion aux paroles d’Achille dans l’Iliade, ch. IX, vers 312 : « Je hais à l’égal des portes de l’enfer l’homme qui cache sa pensée au fond de son cœur, et qui dit le contraire de ce qu’il pense » — Achille avait eu Néoptolème de Deidamie, fille du roi de Scyros.