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ULYSSE.

Eh bien, maîtresse chérie ! ai-je comme il faut employé mes peines ?

MINERVE.

Oui, sans doute, puisqu’en lui tu as trouvé le coupable.

ULYSSE.

Quel a donc été le motif de cette fureur insensée ?

MINERVE.

Le ressentiment d’être frustré des armes d’Achille.

ULYSSE.

Et pourquoi donc cette attaque contre nos troupeaux ?

MINERVE.

Il croyait tremper ses mains dans votre sang.

ULYSSE.

Ces coups étaient donc destinés aux Grecs ?

MINERVE.

Et il les eût frappés, si je ne l’eusse observé.

ULYSSE.

D’où lui venait tant d’audace et de résolution ?

MINERVE.

Pendant la nuit, en secret, il marchait seul contre vous.

ULYSSE.

Est-ce qu’il a été près d’atteindre son but ?

MINERVE.

Il touchait déjà aux tentes des deux généraux.

ULYSSE.

Et comment a-t-il retenu son bras avide de sang ?

MINERVE.

C’est moi qui, offrant à ses yeux de trompeuses visions[1], le privai de cette horrible jouissance, et tournai sa rage sur les troupeaux, butin confus, dont vous n’aviez pas encore fait le partage et que gardaient vos bergers. Il s’élança sur eux, et en fit un grand carnage, en frap-

  1. Celse, l. IV, c. 8 : « Quidam imagiuibus falluntur, qualem insanientem Ajacem vel Orestem poetarum fabulæ ferunt. »