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CRÉON.

Que faut-il donc faire ? Parle ; j’obéirai.

LE CHŒUR.

Va délivrer la jeune fille de sa prison souterraine, et érige un tombeau au cadavre gisant.

CRÉON.

Ce sont là les conseils que tu me donnes, et auxquels je dois me rendre ?

LE CHŒUR.

Oui, et le plus promptement possible ; car la vengeance des dieux est prompte à atteindre les mortels téméraires.

CRÉON.

Hélas ! ce n’est pas sans peine que je renonce à mon projet ; mais il ne faut pas lutter tellement contre la nécessité.

LE CHŒUR.

Va donc, et agis , sans te reposer de ce soin sur un autre.

CRÉON.

J’y vais de ce pas. Allez, allez, vous tous, serviteurs, présents et absents, prenez en main des haches, et courez sur cette colline[1]. Pour moi, puisque j’ai ainsi changé de dessein, je la délivrerai moi-même, de la même main qui l’avait enchaînée. Car, je le crains, le parti le plus sage est de vivre en observant les lois établies.


LE CHŒUR.

(Strophe 1.) Toi qu’on adore sous tant de noms divers,

  1. Hermann, et après lui Wunder, Dindorf, et M. Boissonade, conjecturent avec vraisemblance qu’il y a ici une lacune dans le texte, et que Créon désignait avec plus de détails le lieu qu’il indique ici, ainsi que son projet de faire inhumer Polynice. Au reste, cette colline, ce lieu élevé, est évidemment l’endroit où reposait le corps de Polynice : plus bas, au vers 1197, ce même endroit est désigné par les mots πεδίον ἐπ᾽ ἄκρον, un plateau élevé ; et précédemment (vers 411), le garde qui veillait sur le corps a dit qu’il était placé sur une élévation, ἄκρων ἐκ πάγων. — Les haches dont Créon vient de dire à ses serviteurs de s’armer annoncent qu’il s’agissait d’abattre le bois nécessaire pour brûler le cadavre.