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THÉSÉE.

Mon cœur ne craint point.

ŒDIPE.

Tu ne sais pas les menaces...

THÉSÉE.

Je sais que personne ne t’arrachera d’ici malgré moi. Souvent la colère exhale de vaines paroles et de vaines menaces ; mais quand l’esprit est redevenu maître de lui, tous ces transports s’évanouissent. Peut-être les Thébains, quoiqu’ils osent menacer de te contraindre à les suivre, trouveront, j’en suis sûr, le trajet[1] jusqu’ici long et difficile. Je t’engage donc, même sans parler de mes intentions, à prendre confiance, puisque c’est Apollon qui a dirigé tes pas. Au reste, quoique absent, mon nom seul te préservera de toute injure.

(Il sort.)



LE CHŒUR[2].

(Strophe 1.) Étranger, tu es ici dans le plus beau séjour de cette contrée, à Colone au sol blanchâtre[3], riche en coursiers, où de nombreux rossignols à la voix mélodieuse gazouillent dans de vertes vallées, cachés sous le lierre touffu[4], et sous le feuillage sacré, chargé de mille fruits, à l’abri des ardeurs du soleil et des rigueurs de

  1. Τὸ δεῦρο πέλαγος, « la mer qui conduit ici. » L’expression n’est ici que métaphorique ou proverbiale ; car de Thèbes à Athènes, il n’y avait pas de mer à franchir.
  2. Ce morceau est celui que Sophocle lut devant ses juges, dans le procès qu’il soutint contre son fils. (Voyez Plutarque, An seni gerenda sit resp.) On peut rapprocher ici les vers si connus de Goëthe : « Connais-tu cette terre où ces citronniers fleurissent ? » et l’imitation que lord Byron en a faite dans Childe-Harold. (Voyez aussi la traduction anglaise de ce chœur par Franklin, dans les Elegant extracts de M. O’Sullivan.)
  3. Τὁν ὰργῆτα Κολωνὸν. Le scholiaste l’explique par λευκόγεως. Théophraste, de Caus. Plant. 5, dit que la terre blanchâtre ou crayeuse est la plus favorable à la culture des oliviers. Tel est aussi le sol de là Provence.
  4. Οὶνῶπα, le lierre noir à fleurs rouges. V. Pline, XVI, 24.