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ANTIGONE.

Nous avons entendu, ordonne donc ce qu’il faut faire.

ŒDIPE.

Pour moi, la chose n’est pas possible[1] ; car doublement infirme, la force et la vue me manquent ; mais que l’une de vous deux fasse le sacrifice, car je pense qu’une seule âme suffit et en vaut mille pour ces expiations, si elle est fervente. Hâtez-vous donc de les accomplir ; mais ne me laissez pas seul, car mon faible corps ne pourrait marcher sans guide.

ISMÈNE.

Je prends sur moi le soin du sacrifice ; je veux seulement savoir où je trouverai tout ce qui sera nécessaire.

LE CHŒUR.

De ce côté du bois , ô étrangère , et s’il te manque quelque chose, tu peux le demander à un des habitants.

ISMÈNE.

Je vais l’accomplir ; toi, Antigone, veille ici sur mon père ; car, pour les auteurs de nos jours, alors même qu’on souffre, on n’en doit pas garder le souvenir.

(Ismène entre dans le bois sacré.)



LE CHŒUR.

(Strophe 1.) Il est pénible, je le sais, étranger, de réveiller d’anciennes douleurs[2] ; cependant je voudrais savoir...

ŒDIPE.

Quoi ?

LE CHŒUR.

La cause des cruelles et inexplicables souffrances auxquelles tu es en proie.

  1. Ὅδωτά, abordable.
  2. Κεἱμενον κακὸν ἑπεγεἱρειν, « éveiller le mal qui dort. » Proverbe cité par Platon, dans le Philèbe, § 5, avec un changement de mot, κινεῖν, déranger, etc. Le scholiaste de Platon dit que ce proverbe s’applique à ceux qui par ignorance jettent le trouble dans leurs affaires.