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JOCASTE.

Au nom des dieux, si tu tiens encore à la vie, renonce à ces recherches ; j’ai bien assez de tourments.

ŒDIPE.

Rassure-toi. Dussé-je descendre de trois femmes esclaves[1], cet opprobre ne rejaillira point sur toi[2].

JOCASTE.

Crois-moi, cependant, je t’en supplie ; n’en fais rien.

ŒDIPE.

Non, rien ne me fera renoncer à pénétrer ce mystère.

JOCASTE.

Et pourtant c’est par intérêt pour toi que je te donne le meilleur conseil.

ŒDIPE.

Eh bien ! ces excellents conseils me fatiguent depuis longtemps.

JOCASTE.

Infortuné ! puisses-tu ne jamais savoir qui tu es !

ŒDIPE.

M’amènera-t-on enfin ce berger ? Pour elle, laissez-la se réjouir de son illustre naissance.

JOCASTE.

Hélas ! hélas ! malheureux ! car c’est là le seul nom que je puisse te donner désormais ! et je ne t’en donnerai plus d’autre.

(Elle sort.)



LE CHŒUR.

Pourquoi donc ton épouse, Œdipe, est-elle sortie, emportée par l’excès de sa douleur ? Je crains bien qu’après ce silence il n’éclate de grands malheurs.

ŒDIPE.

Qu’ils éclatent s’il le faut ! Pour moi, dût ma naissance

  1. Littéralement : « Quand je serais trois fois esclave par une triple mère » ; c’est-à-dire par une triple génération d’esclaves. C’est ainsi qu’Euripide a dit τρὶς νόθος, trois fois bâtard. (Andromaq. , v. 636.)
  2. Littéralement : « Tu n’en seras pas de plus basse condition. »