Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/200

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LE MESSAGER.

Je conduisais des troupeaux sur ces montagnes.

ŒDIPE.

Tu étais donc berger, errant et mercenaire[1] ?

LE MESSAGER.

Et cependant, mon fils, je fus, dans ce temps-là, ton sauveur.

ŒDIPE.

Quel était mon mal, eu l’état misérable où tu me trouvas ?

LE MESSAGER.

Les articulations de tes pieds pourraient le témoigner.

ŒDIPE.

Hélas ! pourquoi rappelles-tu ce douloureux souvenir ?

LE MESSAGER.

Je détachai les liens qui traversaient tes pieds.

ŒDIPE.

Tristes et honteuses marques que je gardai de mon enfance[2] !

LE MESSAGER.

Cette triste aventure te fit donner le nom que tu portes[3].

ŒDIPE.

Au nom des dieux, parle, est-ce mon père, ou ma mère qui me traita ainsi ?

LE MESSAGER.

Je l’ignore ; celui qui te remit en mes mains le sait mieux que moi.

  1. Έπὶ θητείᾳ. Sur la condition des thètes chez les Athéniens, voir Plutarque, Vie de Solon, c. 18.
  2. Σπαργάνων. Les langes dont on enveloppait les enfants. Ce mot désigne aussi les objets déposés comme signes de reconnaissance avec les langes des enfants qu’on exposait, chose très-fréquente chez les anciens. C’est ce que Plaute appelle crepundia, dans la Cistellaria, acte III, v. 5 ; et Térence monumenta, Eunuch. IV, sc. 6, v. 15.
  3. Œdipe, Οἰδἰπους (pieds enflés).