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CRÉON.

Il était parti, disait-il, pour aller consulter l’oracle[1], et depuis son départ il n’a plus reparu dans sa patrie.

ŒDIPE.

Mais n’y eut-il ni messager, ni compagnon de voyage de Laïus, témoin du fait, qui pût donner des indices et aider les recherches ?

CRÉON.

Ils ont péri, à l’exception d’un seul, que la peur a fait fuir, mais il n’a pu dire qu’une chose de ce qu’il a vu.

ŒDIPE.

Laquelle ? car un seul fait peut en faire découvrir bien d’autres, s’il nous donne une lueur d’espérance.

CRÉON.

Des brigands l’assaillirent, dit-il, et il succomba, non sous le bras d’un seul, mais accablé par le nombre[2].

ŒDIPE.

Comment donc un brigand, s’il n’avait été suborné par quelqu’un d’ici, aurait-il eu cette audace[3] ?

CRÉON.

Tels furent alors les soupçons ; mais, au milieu de nos maux, la mort de Laïus n’eut point de vengeur.

ŒDIPE.

Quels maux vous empêchèrent donc, après ce meurtre de votre roi, de rechercher les auteurs du crime ?

CRÉON.

Le sphinx, avec ses énigmes, en nous occupant d’un

  1. Euripide, Phéniciennes, v. 36, nous apprend qu’il allait demander à l’oracle si l’enfant qu’il avait fait exposer vivait encore. — θεωρός. On appelait ainsi les députés envoyés par les villes aux grandes solennités de la Grèce. Ce mot désigne ici celui qui va consulter l’oracle.
  2. Le poète prête ici un mensonge au serviteur de Laïus, qui s’excuse ainsi d’avoir fui, et détourne en même temps les souvenirs d’Œdipe.
  3. Le scholiaste dit que ceci se dirige contre Créon, qui était le successeur naturel de Laïus.