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que les mots du texte ne font qu’indiquer. Ainsi Antigone (v. 820) dit, en se comparant à Niobé : « Le sort m’endort très semblable à elle. » Nous avons cru être aussi fidèle, et plus intelligible au lecteur français, en disant : « Ainsi qu’elle, le sort va m’endormir sous une enveloppe de pierre. » Quand Électre adresse ces mots au gouverneur d’Oreste (v. 136-137) : « Ô mains chéries, ô ministère très agréable de tes pieds ! » pour dire que ses mains ont enlevé Oreste, et que ses pieds l’ont porté sur une terre hospitalière, il serait bien difficile de conserver l’expression littérale, et il faut chercher un équivalent, en disant, avec un tour moins vif et moins concis : « Mains chéries ! ô toi dont les pieds nous ont prêté un si heureux ministère ! »

N’oublions pas d’ailleurs que la simplicité antique a aussi un cachet d’élégance, et que les beautés du style sont comme un reflet de l’âme des grands poètes. Les en dépouiller, c’est aussi les défigurer.

Ainsi, être simple sans trivialité, rendre le génie antique accessible à notre temps, sans le travestir à la moderne, être grec par l’esprit, tout en restant français par les formes, tel est le difficile problème que nous avons à résoudre, et malgré tous mes efforts, je ne me flatte pas d’y avoir complètement réussi.

J’ai pris pour base du texte l’édition de M. Bois-