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ORESTE.

Parle mieux ; car c’est à tort que tu t’affliges.

ÉLECTRE.

Quoi ! je m’afflige à tort de la mort d’un frère ?

ORESTE.

Il ne te convient pas de dire de telles paroles.

ÉLECTRE.

Suis-je donc si indigne de celui qui n’est plus ?

ORESTE.

Non, tu n’es indigne de personne, mais cette urne n’est rien pour toi.

ÉLECTRE.

Eh quoi ! n’est-ce pas les cendres d’Oreste que je tiens ?

ORESTE.

Non, les cendres d’Oreste ne sont là qu’en paroles.

ÉLECTRE.

Où est donc le tombeau de cet infortuné ?

ORESTE.

Nulle part, car il n’est point de tombeau pour ceux qui sont pleins de vie.

ÉLECTRE.

Que dis-tu, cher enfant ?

ORESTE.

Rien qui ne soit véritable.

ÉLECTRE.

Il est donc vivant ?

ORESTE.

Oui, puisque je respire.

ÉLECTRE.

C’est donc toi ?

ORESTE.

Vois ce sceau de mon père[1], et reconnais si je dis vrai.

  1. Σφραγῖδα Le cachet gravé sur son anneau. Ce moyen de reconnaissance n’est pas à l’abri de la critique. Aussi M. Boissonade pense-t-il qu’il s’agit plutôt d’un signe physique sur quelque partie du corps. Dans l’Électre d’Euripide, v. 573, Électre reconnaît son frère à une cicatrice au front, par suite d’une chute qu’il avait faite dans son enfance, en poursuivant un daim. Dans les Choéphores d’Eschyle, elle le reconnaît à la chevelure qu’il a déposée sur le tombeau d’Agamemnon, et à la bandelette brodée qu’il portait lorsqu’il fut enlevé d’Argos. Le scholiaste entend par σφραγῖδα .Sa une marque naturelle, l’os d’ivoire, qu’avaient à l’épaule tous les descendants de Pélops, comme les descendants de Cadmus avaient une lance, et les Séleucides une ancre sur la cuisse.