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ÉLECTRE.

Non, personne ; car mon unique défenseur n’est plus, tu m’apportes ses cendres.

ORESTE.

O infortunée ! que ton aspect excite ma pitié !

ÉLECTRE.

Tu es le seul mortel, sache-le, dont j’aie jamais connu la pitié.

ORESTE.

C’est que je suis le seul qui souffre de tes maux.

ÉLECTRE.

Serais-tu donc quelqu’un de mes proches ?

ORESTE.

Je m’expliquerai, si tes compagnes te sont dévouées.

ÉLECTRE.

Oui, elles sont dévouées ; tu peux compter sur leur fidélité.

ORESTE.

Laisse d’abord cette urne, si tu veux tout savoir.

ÉLECTRE.

Au nom des dieux, étranger, ne me l’arrache pas.

ORESTE.

Fais ce que je te dis, tu ne t’en repentiras jamais.

ÉLECTRE.

Par ce visage que je touche[1], ne m’enlève pas un dépôt si cher.

ORESTE.

Je ne souffrirai pas que tu le gardes.

ÉLECTRE.

Ah ! quelle est ma misère, cher Oreste, si je suis privée de tes cendres ?

  1. Πρὸς γενείου. Manière de supplier, en prenant la barbe et le menton. Les exemples en sont assez nombreux chez les auteurs anciens. (Voir Iliade, I, 501) ; Thétis suppliant Jupiter le prend par le menton. Euripide, Héraclid., v. 227 ; Hécube, passim ; Iphigénie à Aulis, etc. Callimaque, Hymne à Diane, v. 26.