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gnésie ; le huitième, d’Ænie[1], avait des chevaux blancs ; le neuvième venait d’Athènes, fondée par les dieux ; un Béotien conduisait le dixième char. Lorsque les juges des jeux eurent tiré les sorts et assigné à chacun son rang, au signal d’une trompette d’airain, tous s’élancèrent ; ils animent leurs coursiers et de leurs mains agitent les rênes ; toute la carrière résonne du bruit des chars retentissants, et un nuage de poussière s’élève dans les airs ; les concurrents, confondus ensemble, n’épargnent point l’aiguillon pour devancer les roues de leurs adversaires et les chevaux frémissants ; ceux-ci, en effet, serrés les uns contre les autres, lançaient leur écume et leur haleine brûlante sur les chars et sur les conducteurs[2]. Oreste touchait à la dernière borne[3], qu’il effleurait de son essieu, il lâchait les rênes, à droite, au cheval de volée, tandis qu’il retenait l’autre à gauche[4]. Jusque-là tous les chars avaient couru en bon ordre ; mais bientôt les chevaux fougueux[5] du citoyen d’Ænie s’emportent, et en achevant le sixième ou le septième tour, par un brusque mouvement[6] en sens contraire, heurtent de front le char du Libyen ; de là vint le désordre, ils se renversent et se fracassent l’un sur l’autre, et toute la

  1. Ænie, ville des Perrhèbes en Thessalie. Homère en fait mention dans le catalogue des vaisseaux, Iliade, II, v. 744.
  2. Virgile, Géorgiq. III, v. III :
    Humescunt spumis flatuque sequentum.
  3. Il y avait trois pierres de forme cubique, une à chacune des extrémités du stade, et une au milieu. Les chars arrivés au bout de la carrière devaient doubler la dernière borne, et revenir à leur point de départ.
  4. Il s’agit de quadrige : deux chevaux sont attelés aux deux côtés du timon, ce sont les ύποζύγιοι ; deux autres à droite et à gauche des premiers sont les σετραῖοι.
  5. ῎Αστομοι, « qui n’avaient point de bouche, » comme dit Fénelon, dans le Télémaque, ch. II.
  6. Il fallait faire douze fois le tour du stade ou de l’hippodrome. Pour les mots ἐξ ὑποστροφῆς, j’adopte l’explication d’Hermann, la seule qui paraisse satisfaisante.