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Je vois combien sont vains les antres prophétiques !
Oui, les chants des oiseaux, présages fantastiques,
Ne sont rien ! oui je sais que si mon père est mort,
Ce n’est point à son fils qu’il dut ce triste sort,
À moins que la douleur que causa mon absence
Seule n’eût empêché mon entière innocence.
Dans l’empire infernal ce bon roi gît enfin ;
Oui, tout oracle n’est qu’un bruit trompeur et vain[1] !

JOCASTE.
Je te l’avais bien dit.


ŒDIPE.
Mes angoisses mortelles,

Madame, l’emportaient.

JOCASTE.
Ces alarmes cruelles,

Œdipe, bannis-les désormais de ton cœur.

ŒDIPE.
Mais du lit maternel je crains encor l’horreur !


JOCASTE.
Eh ! pourquoi te livrer à la crainte importune,

Puisque l’homme est toujours jouet de la fortune,
Et qu’il ne peut jamais lire dans l’avenir ?
Trop de prudence nuit, empêche de jouir
De ces biens dont les Dieux ont parsemé la vie ;
Cesse de redouter cette horreur inouïe.
Œdipe, crois en moi, l’inceste que tu crains
Ne doit être à tes yeux qu’un songe des plus vains.

  1. Dacier traduit : Hélas ! qui voudra désormais consulter les oracles ? etc. Ce n’est point là le sens véritable. Jocaste allait consulter les Dieux en faveur d’Œdipe. Rassuré par le récit du berger, Œdipe dit à la reine qu’il n’est plus besoin de recourir aux autels et aux oiseaux, etc. Il semble véritablement qu’Œdipe et Jocaste insultent les oracles et les prédictions en divers endroits de cette tragédie. C’est en effet un de leurs crimes, quoi qu’en dise Brumoy, et le chœur sait bien le leur reprocher.