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Laïus l’a fait jeter par d’étrangères mains,
En lui liant les pieds, dans de profonds ravins[1].
De l’oracle du Dieu le décret sanguinaire
Ne fut point accompli. De son malheureux père
Mon fils n’a jamais pu devenir l’assassin ;
Sa mort a prévenu cet horrible destin.
Vois donc la fin de tous ces discours prophétiques,
De la divination les effets chimériques !
À nos regards sans peine on voit se dévoiler
Les faits seuls que les Dieux veulent bien révéler.

ŒDIPE.
Ces mots jettent le trouble en mon âme incertaine,

Mes sens sont confondus.

JOCASTE.
Mais quelle crainte vaine

Te saisit et te fait parler ainsi, seigneur ?

ŒDIPE.
Tu me dis que Laïus essuya ce malheur

Là même où deux sentiers traversaient une route.

JOCASTE.
Tel est le bruit commun ; il offre peu de doute.


ŒDIPE.
Dans quelle région sont situés ces lieux

Que jadis a souillés un forfait odieux ?

JOCASTE.
Ces deux chemins, seigneur, se trouvent en Phocide !

L’un est celui de Delphe et l’autre de Daulide[2].

  1. L’ayant lié aux articulations des pieds, mot à mot.
    Jocaste n’ose avouer ici toute la vérité : on apprend plus tard qu’elle a livré elle-même son fils au berger qui devait le faire périr. Dans Voltaire, elle montre plus d’adresse et de sincérité :
    J’ordonnai, par pitié, qu’on lui donnât la mort.
    Ce vers heureux est tout à la fois un aveu et une justification.
  2. Delphes et Daulis sent séparés par le mont Parnasse en Phocide, entre le golfe Opunlien et celui de Crissa.