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Si j’hésite et languis en un repos blâmable,
Il achève son plan, sa trame abominable ;
Mes projets différés sont comme anéantis.

CRÉON.
Que veux-tu donc enfin ? M’exiler du pays ?


ŒDIPE.
C’est trop peu : par ta mort je veux me satisfaire.


CRÉON.
Prouve mon crime, alors, ce châtiment sévère...


ŒDIPE.
Tu parles en rebelle, en sujet déloyal.


CRÉON.
Et toi comme un tyran.


ŒDIPE.
C’est mon pouvoir royal

Que je sers et défends.

CRÉON.
Et moi, dis-le, que fais-je ?


ŒDIPE.
Tu n’es qu’un traître impie autant que sacrilège.


CRÉON.
La démence t’aveugle.


ŒDIPE.
Et je veux cependant

Voir mon autorité reconnue à l’instant.

CRÉON.

Lorsque les volontés d’un roi sont tyranniques,
Un sujet se soustrait à ses ordres iniques[1].

  1. Il faut que les paroles de Créon renferment un sens bien propre à irriter Œdipe, car il appelle la ville à son secours : O Thèbe !
    Créon a commencé à parler avec une certaine fierté ; mais c’est à lui que le royaume appartenait de droit après la mort de Laïus ; il était de la famille royale, Œdipe était étranger. L’aventure du sphinx avait élevé l’un sur le trône au préjudice de l’autre. Tout cela rend Créon plus excusable et sert à augmenter les soupçons d’Œdipe.