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CRÉON.
La vérité des faits, tu l’ignores, seigneur ;

Attends, tu sauras tout, juge alors mon malheur,
Écoute-moi.

ŒDIPE.
Je sais que l’art de la parole

Brille en toi ; laisse là ta science frivole,
Tu n’es qu’un ennemi.

CRÉON.
Écoute, au nom du ciel !

Ce que je veux te dire.

ŒDIPE.
Oh ! perfide mortel !

Ne te disculpe point.


CRÉON.
On manque de prudence,

On se trompe beaucoup, seigneur, lorsque l’on pense
Que l’obstination nous sert sans le bon sens.

ŒDIPE.
Si tu penses pouvoir perdre un de tes parents,

Sans jamais d’un tel fait porter la juste peine,
Sans soulever en lui la plus ardente haine,
Tu te trompes bien plus ! funeste est ton erreur.

CRÉON.
Ce que tu dis est juste, et j’en conviens, seigneur,

Mais envers toi, dis-le, quelle fut mon injure ?

ŒDIPE.
Tu m’as persuadé d’envoyer vers l’augure[1].
  1. M’as-tu persuadé ou ne m’as-tu pas persuadé d’envoyer quelqu’un vers l’homme, habile devin ? Cette tournure énergique et expressive répond à celle-ci : Me l’as-tu dit ou ne me l'as-tu pas dit ? Ces paroles d’Œdipe font voir l’origine des soupçons formés contre Créon.