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Instruit d’un tel mystère, oui, mon cœur s’en alarme...
Pourquoi suis-je venu ?

ŒDIPE.
Mais je vois une larme

Dans tes yeux, et ton front semble morne, abattu.

TIRÉSIAS.
Laisse-moi retourner la d’où je suis venu,

Et ton sort et le mien seront moins redoutables.

ŒDIPE.
Ah ! cesse ces discours importuns et blâmables ;

Oui, Thèbe est ta patrie, et nourri dans son sein,
Pourrais-tu refuser d’éclaircir son destin ?

TIRÉSIAS.
Tes paroles, Seigneur, sont au moins téméraires.


LE CHŒUR.
Ah ! daigne au nom du ciel nous aider des lumières

Acquises par ton art ; nous t’en supplions tous,
Ensemble tu nous vois tomber à tes genoux.

TIRÉSIAS.
Vous êtes tous plongés dans un fatal délire ;

Je voudrais de mes maux ne jamais vous instruire,
Pour me taire sur ceux qui vont vous accabler.

ŒDIPE.
Que dis-tu ? tu sais tout sans daigner t’expliquer ;

Tu veux donc nous trahir et perdre Thèbe entière.

TIRÉSIAS.
Je ne veux de personne accroître la misère,

Non, je ne veux rien dire, on m’interroge en vain,
Il faut nous épargner un mutuel chagrin.

ŒDIPE.
Tes refus blesseraient l’homme le moins sensible,

Quelle obstination ! quel cœur dur, inflexible !