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ŒDIPE.
Fais-moi part de tous ceux que ton esprit invente[1].


LE CHŒUR

Le grand Tirésias, cet étonnant devin[2]
Est pour nous d’Apollon l’interprète divin ;
Son art pourra peut-être éclaircir ce nuage.

ŒDIPE.
Par l’avis de Créon, un deuxième message[3],

Fut envoyé vers lui ; son retard me surprend.

LE CHŒUR
Un bruit sourd dans ces lieux dès longtemps se répand.


ŒDIPE.
Mais que] bruit ? je n’en crois aucun sans importance.


LE CHŒUR
De ce meurtre on raconte ainsi la circonstance :

Des voyageurs obscurs ont immolé Laïus.

ŒDIPE.
On le dit : les témoins du fait sont inconnus.


LE CHŒUR
Si l’auteur de ce crime à la crainte est sensible,

Il ne soutiendra pas ta menace terrible.

  1. Le texte dit : « Quand même une troisième réflexion (un troisième conseil ou expédient) se présenterait, n’omets pas de le dire. » Le traducteur italien a dit : « Giungi la terza ancor se in pronto l’hai. » Joignez-y la troisième encore si vous l’avez prête.
  2. Tirésias était de Thèbes en Béotie, fils d’Évère et de la nymphe Chariclo. Il vit Pallas au bain, disent Callimaque et Properce : pour sa punition, moindre que celle d’Actéon, il fut privé de l’usage des yeux. La déesse même en eut compassion et lui donna la science de l’avenir. Selon Ovide, il devint aveugle au sujet d’un différend entre Jupiter et Junon, laquelle le punit pour n’avoir pas décidé en sa faveur. Jupiter, pour le dédommager, lui accorda le privilège de lire dans l’avenir.
  3. Pas un mot de ce vers n’est inutile, car il jette les fondements des soupçons d’Œdipe contre son beau-frère, et prépare les auditeurs à les voir naître sans surprise.