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doublement parricide ; il injurie Phébus, auteur de l’oracle, et se condamne brusquement à l’exil. Il emporte avec lui la famine, la peste et les maux de la cité. Cette dernière pensée, que l’on trouve deux fois dans cette pièce de Sénèque, n’est pas une des moins belles qu’on y rencontre çà et la. Nous dirons plus encore, c’est que nous ne pouvons nier, malgré le génie et la manière bizarres du tragique latin, qu’il n’y ait souvent de grandes beautés dans sa versification, malheureusement toujours remplie d’une certaine enflure poétique qui la dépare considérablement. Il faudrait affectionner extrêmement Lucain pour approuver de tout point Sénèque. Ne croyez pas cependant qu’avec tous ses défauts cet autour soit à négliger complètement. On sait le proverbe latin : Opposita juxta se posita magis illucescunt. Que de lumières ne peuvent pas naître d’ouvrages analogues pour le sujet, mais bien différents sous le point de vue de l’exécution ! C’est ainsi que les défauts de Sénèque rendent plus saillantes les beautés de Sophocle. De plus, pour finir cette critique de l’Œdipe latin, nous rappellerons qu’à Sparte on apprenait aux jeunes gens la sobriété en leur montrant un vieillard ivre sur la voie publique. C’est la un exemple remarquable de l’identité psychologique de l’aversion pour le mal et de l’amour pour le bien, véritable noumène dont on cherche a rendre compte dans l’éthique ou dans la science de la philosophie morale.




DES TRADUCTIONS ET DES IMITATIONS
DE L’ŒDIPE-ROI EN DIVERSES LANGUES.


On verra plus facilement dans la seconde édition de notre travail sur l’Œdipe-Roi, combien de différents rapports peuvent résulter de la comparaison et des rapprochements nombreux que présentent l’Œdipe de Sophocle, celui de Sénèque, celui de Gataller, celui de P. Corneille, celui de Voltaire, celui de M.-J. Chénier, celui de G. Orsatto, celui de Donner, celui de Bilderdyck, etc. !

Que de combinaisons variées et intéressantes, non seulement dans les rapports entre l’original et les imitateurs en diverses langues, mais encore entre ces différents imitateurs entre eux ! Quel champ fécond en réflexions pour le littérateur, pour le philologue, pour le lecteur studieux, vraiment curieux et observateur ! Que de points variés de comparaisons d’un haut et vif intérêt entre l’Œdipe grec et l’Œdipe latin, entre les quatre Œdipes français, entre ceux-ci et les deux autres, entre l’Œdipe latin et l’Œdipe italien, d’Orsatto Giustiniano, entre l’Œdipe allemand de Donner et l’Œdipe hollandais ou flamand de Bilderdyck ! etc., etc., etc.

Quelle belle occasion d’étudier, de comparer, d’apprécier, de saisir dans leur vrai caractère, les diverses époques littéraires représentées par ces auteurs, qui ont traité le même sujet en différentes langues, dont on peut voir ainsi les ressources respectives, etc !

Nous ne croyons pas qu’il puisse y avoir un exercice plus utile, plus intéressant et plus piquant, dans toute la littérature générale.

Nous avons fait plus haut l’analyse et la critique de l’Œdipe latin de Sénèque.

Nous regrettons de ne pouvoir reproduire ici, par suite du plan adopté pour cette première édition, la traduction en itaiien de l’Œdipe-Roi par Orsatto Giustiniano. La langue italienne étant plus souple que la française à se prêter aux grâces, aux beautés et aux finesses de l’original grec, il n’est pas surprenant que cette traduction du plus grand tragique, faite par un habile écrivain, ait été goûtée, et qu’on ait encouragé ce dernier par le succès d’une si grande difficulté vaincue, même dans la riche et flexible langue de l’Italie.

L’Œdipe de ce célèbre Vénitien a été joué avec beaucoup d’appareil et de pompe à