Page:Sophocle - Œdipe Roi, trad. Bécart, 1845.djvu/112

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

action et pour l’étendre dans l’espace de cinq actes, sans y jeter rien d’étranger ni si sans y laisser aucun vide. La nature leur fournissait abondamment tout ce dont ils avaient besoin ; et nous, nous ne sommes que trop fréquemment obligés de recourir à des moyens artificiels, à des ressorts peu naturels, pour assortir avec un tant soit peu de convenance les choses en les forçant, et en éloignant du sujet ce qui peut seul en faire toujours le plus grand charme.

Séparateur


ACTE V.


Scène PREMIÈRE.

LE CHŒUR, UN OFFICIER DU PALAIS.
L’OFFICIER.
Sages Thébains, ô vous qu’en ces lieux ou révère[1],

Vos cœurs seront remplis d’une douleur amère
Au récit des horreurs que je vais retracer
Et qu’un devoir fatal m’ordonne d’exposer.
Ah ! si des Labdacus le sort vous intéresse,
Si vous avez pour eux un reste de tendresse,
Quel deuil va vous frapper ! Non, Thébains, non, jamais
Le Phase ni l’Ister ne pourraient du palais[2]

  1. La catastrophe s’est accomplie, et le message d’un officier vient en prévenir les Thébains.
  2. Les idolâtres de l’antiquité, comme ceux de nos jours et surtout les Indiens, se faisaient un point de religion de croire que les eaux de la mer et des fleuves avaient la vertu d’effacer les souillures morales. L’Ister ou le Danube est le fleuve le plus rapide elle plus considérable de l’Europe. Hésiode le mentionne déjà (Théog., 339) ; et Aristote(Météor., I, 13) le nomme le fleuve le plus grand issu de la montagne Pyrène, à l’ouest du pays des Celtes. (V. Hérod., IV, 48, 49 ; II, 33.)
    Le Phase, aujourd’hui encore Fasz, est le fleuve de la Colchide, célèbre par les exploits de Jason et des Argonautes ; il fut longtemps, jusqu'après Hésiode, regardé comme la frontière entre l'Europe et l'Asie.