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NOTICE

Voici la plus curieuse, — je ne dis pas la plus célèbre, — des pièces de Sophocle. Elle tire son nom du chœur. Si l’on excepte ses Limiers, cela est unique dans les drames que nous lisons encore de lui. Il avait, en effet, sur ce point délaissé presque entièrement l’habitude d’Eschyle et, comme les modernes, il donnait à ses pièces le nom du personnage principal qu’il mettait en scène. Mais quel est le personnage principal des Trachiniennes ? Est-ce Déjanire, femme aimante et dévouée, mais femme sans volonté ? Est-ce Héraclès, qui n’apparaît qu’à la fin du drame et qui, loin d’en diriger l’action, la subit bien malgré lui, puisqu’il en meurt ? Comme cette action n’est soumise à la volonté d’aucun être humain, Sophocle a été contraint de donner à sa pièce le nom du chœur qu’il y emploie, quels que soient d’ailleurs le rôle secondaire de ce chœur et la mince étendue de ses chants.

Les opinions les plus divergentes ont été émises sur les Trachiniennes. Comme les Alexandrins ne nous en ont pas dit la date[1], on s’est ingénié à la trouver. Toutes les hypothèses possibles ont été formulées et on les a appuyées, naturellement, sur des raisons multiples. Pour les uns, c’est une œuvre de jeunesse[2] ; pour d’autres, c’est une

  1. Les Trachiniennes, par exception, n’ont pas d’ὑπόθεσις ; elle est remplacée dans L, p. 64 b par un extrait de la Bibliothèque d’Apollodore. Sur cette particularité voir l’édition de Radermacher, p. 42 et ajouter ce qu’il dit dans son Allgemeine Einleitung, p. 27 sq., placée en tête de son édition de l’Ajax. — Outre les mss. ordinaires, j’ai utilisé pour la constitution du texte des Trachiniennes un papyrus qui n’est pas mentionné dans l’Introduction de cette édition, p. XXIII sqq., car il n’a été publié qu’en 1922 : c’est le n° 1805, vol. XV des Oxyrhynchus Papyri. Il est du second siècle, comme le n° 875.
  2. Bergk, Griech. Literaturgeschichte, III, p. 398 sq. Cf. Mahaffy, History of classical greek Literature, I, p. 294.