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qui a résulté des conseils d’autrui, après son entretien funeste avec Nessos, elle le déplore douloureusement, elle verse une fraîche, une abondante rosée de pleurs, et le Destin, en s’accomplissant, révèle les suites funestes de la perfidie du Centaure.

La source des larmes a jailli[1] ; le mal a envahi le corps d’Héraclès ; c’est une souffrance telle que ses ennemis n’en ont jamais fait déplorer une semblable à ce héros[2]. Ah ! sombre pointe de la lance guerrière, qui as si promptement amené ici des hauteurs d’Œchalie cette jeune fille d’après la loi de la guerre ! Et Aphrodite, qui silencieuse a donné son aide, est la déesse qui sûrement a tout conduit[3].

Premier Demi-Chœur[4]. — Est-ce une illusion ? N’entends-je pas un gémissement qui vient de retentir dans le palais ? Que dire ?

Second Demi-Chœur. — Mais oui, cela n’est pas douteux, quelqu’un là-dedans pousse des cris de douleur : il se passe dans cette demeure quelque chose.

Le Coryphée. — Regarde cette femme ; elle n’a pas son air ordinaire. Comme elle tient, en s’avançant vers nous,

  1. Le scholiaste explique qu’il s’agit des larmes du chœur. Il pouvait y ajouter celles de Déjanire. Cf. 919.
  2. Héraclès lui-même v. 1048 sqq., le reconnaît.
  3. Le chœur a dans le premier stasimon, v. 497-530, proclamé la force immense d’Aphrodite : deux rivaux se disputaient la possession de Déjanire, et quand ils entrèrent en lutte l’un contre l’autre, Aphrodite présidait au combat. Ici, elle fait encore une fois sentir sa puissance, et si elle a tout conduit en silence, c’est parce que, comme il a été dit plus haut v. 359 sqq., Héraclès n’a pas avoué, quand il a ravagé Œchalie, sa passion pour Iole.
  4. Il est inutile de prévenir le lecteur que ce n’était ni le premier, ni le second demi-chœur qui récitaient successivement ces distiques, mais ceux qui les commandaient, les παραστάται. Dans une tragédie ordinaire de Sophocle le chœur était composé de quinze personnages : le coryphée, deux chefs secondaires, deux troupes de chacune six choreutes. Ces chefs secondaires se tenaient à côté du coryphée, d’où leur nom.