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Lichas. — Je ne sais pas : je ne passais pas mon temps à questionner.

Déjanire. — Tu n’as pas appris son nom d’une de ses compagnes ?

Lichas. — Non, en silence j’accomplissais ce que j’avais à faire.

Déjanire. — (A Iole.) Mais à moi, infortunée, parle librement : c’est un malheur pour toi qu’on ne sache pas qui tu es.

Lichas. — Si elle parle, elle fera de sa langue un tout autre usage qu’auparavant, puisqu’elle n’a jamais fait entendre une parole, ni longue, ni courte. Toujours gardant dans son sein le poids de son malheur, elle pleure, la malheureuse, depuis qu’elle a quitté sa patrie, qui n’est plus que le jouet des vents[1]. Une telle situation est douloureuse pour elle, mais elle lui donne droit à l’indulgence.

Déjanire. — Laissons-la donc, qu’on la mène dans le palais, comme il lui fera plaisir, et puissé-je à ses malheurs présents ne pas ajouter un nouveau chagrin : celui qu’elle a actuellement lui suffit. — Rentrons tous, toi, Lichas, pour aller vite où tu veux, moi pour préparer à l’intérieur ce qui est nécessaire.

Lichas sort, suivi par les captives.

Le Messager. — (Arrêtant Déjanire.) Commence par rester ici un instant, pour apprendre en leur absence quelles sont les gens que tu introduis chez toi, et pour savoir ce qu’il faut sur ce qu’on t’a caché. De tout cela je suis bien informé.

Déjanire. — Qu’y a-t-il ? Pourquoi m’empêches-tu d’avancer ?

Le Messager. — Reste ici, écoute : auparavant tu n’as pas entendu en vain mes paroles, et cette fois-ci je crois qu’il en sera de même.

  1. Je donne avec G. Hermann à l’épithète διήνεμον le sens que paraît lui attribuer le scholiaste dans le premier des synonymes, ἕρημον, par lequel il s’efforce de traduire cet adjectif.