Page:Sophocle (tradcution Masqueray), Tome 2.djvu/376

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour qu’elles viennent à mon secours : vous verrez qu’il est juste d’honorer ses parents, injuste de regarder comme sans importance d’avoir, pour un père aveugle, les sentiments qui vous animent. Mes filles n’ont pas agi comme vous. C’est pourquoi, que tu sois assis en suppliant, ou que tu règnes sur un trône, tu es au pouvoir de ces Malédictions, s’il est vrai que l’immortelle Justice soit associée aux lois éternelles de Zeus. Cours à ta perte, fils exécrable, fils dont je ne suis plus le père, misérable entre les misérables, chargé des Malédictions que j’appelle sur toi. Puisse ta lance ne jamais triompher de ta terre natale ! Puisses-tu ne jamais retourner dans la montagneuse Argos ! Puisses-tu, au contraire, mourir de la main de ton frère, en tuant ce frère qui t’a chassé ! Telles sont mes Malédictions, et j’invoque aussi la nuit odieuse du Tartare, où est déjà mon père, pour que tu y sois plongé ; j’invoque encore les Euménides, j’invoque Ares qui a jeté entre vous cette haine atroce. Tu m’as entendu, va-t-en ; cours annoncer à tous les Cadméens, sans oublier tes fidèles alliés, quels dons Œdipe a distribués à ses enfants mâles[1].

Le Coryphée. — Polynice, je déplore avec toi le voyage que tu as entrepris, et maintenant repars au plus vite.

Polynice. — Ah ! fatal chemin ! échec malheureux ! infortunés alliés ! C’est donc pour ce résultat que nous avons quitté Argos ! Il est tel, malheureux que je suis, que je n’en puis parler à aucun de mes compagnons, quand, d’autre part, il m’est impossible de les ramener en arrière, et qu’il me faut, sans dire un mot, courir au-devant de ma


    ses crimes, était enfermé dans le palais royal. (Cf. O. R. v. 1429 sqq.) Après un sacrifice, au lieu de lui envoyer l’épaule de la victime, on lui servit la hanche ; il se fâche, maudit ses fils, auxquels il souhaite de mourir l’un par la main de l’autre. Sophocle ne fait aucune allusion directe à cette légende : son Œdipe est moins archaïque, mais le génie vengeur de l’aveugle habite toujours à Thèbes qu’il a quittée, et ce génie épie le moment où son vœu cruel se réalisera. (Cf. v. 788 sqq.) Quand il apprend le nouvel oracle que lui apporte Ismène, il renouvelle sa Malédiction, qui ne varie pas. (Cf. v. 421 sqq.) C’est toujours la mort de ses fils qu’il souhaite.

  1. Nous n’avons plus ici l’Œdipe du début de la pièce, l’homme qui