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infortune suprême, l’odieuse, la débile, l’insociable vieillesse : plus d’amis ; les maux douloureux entre tous, voilà son cortège.

Animé.

C’est le sort de cet infortuné, ce n’est pas le mien seul[1]. Comme de tous les côtés un rivage septentrional est battu l’hiver par le tumulte des flots, ainsi de fond en comble d’atroces infortunes ne cessent de le battre de l’assaut de leurs tempêtes : les unes viennent des contrées où se couche le soleil[2], d’autres de celles où il se lève, d’autres des lieux où il lance ses rayons au milieu du Jour, d’autres enfin des monts du Nord, séjour de la nuit[3].

On voit de loin arriver Polynice.

Antigone. — Voici, je pense, l’étranger qui vient vers nous ; il n’a pas d’escorte, mon père, et de ses yeux abondamment il verse des larmes.

Œdipe. — Qui est-ce ?

Antigone. — Celui auquel nous pensions tout à l’heure ; le voici arrivé, Polynice.

Polynice. — Ah ! que faire ? Faut-il que je pleure d’abord mes propres malheurs, mes sœurs, ou ceux que j’ai devant les yeux, ceux de mon vieux père ? Sur une terre étrangère, avec vous je le trouve ici, exilé, couvert de ce vêtement misérable dont la saleté odieuse a vieilli avec son vieux corps et déshonore ses flancs ; sur sa tête


    p. XII) semblent les nier et qu’on n’a commencé à en parler que trois siècles après la mort de Sophocle. (Cf. Cicéron, De senect. VII, Plut. An seni… III ; Lucien, Macrobii XXIV ; βίος 13.)

  1. Le chœur avait déjà parlé v. 1214 en son nom propre ; cette fois, comme le dit Schneidewin, on croirait entendre la voix même du poète.
  2. Les infortunes d’Œdipe ne viennent pas des quatre points de l’horizon, comme les tempêtes auxquelles elles sont assimilées, mais le poète mélange, comme il en a l’habitude, les deux termes de la comparaison. Cf. vol. I, p. 81. note 2.
  3. Ces monts du Nord sont appelés par Sophocle les Ῥῖπαι. Les anciens les plaçaient à l’extrémité de la Scythie, au bout du monde. Cf. Aristote, Meteor. I, 13 ; Virgile, Georg. I, 240.