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jugé bon, quand il partait pour de nombreux combats, de me découvrir auparavant, car alors il allait au succès, croyait-il, et non pas à la mort. Mais cette fois, comme s’il n’était déjà plus, il a dit ce que je devais reprendre, pour prix de mon union avec lui ; il a dit aussi la part de terre paternelle qu’il distribuait à ses enfants, et l’époque, il l’a fixée : quand il serait absent depuis un an et trois mois, alors il fallait qu’il fût mort en ce temps-là, ou s’il esquivait ce terme, il passerait heureusement le reste de sa vie. Telle est, a-t-il dit, la fin immuable fixée par les dieux aux travaux d’Héraclès, comme le chêne antique l’a proclamé un jour à Dodone, par la voix de deux colombes[1]. Et voici venu aujourd’hui le moment de vérifier en quel sens cet oracle doit s’accomplir. Aussi à peine m’endormais-je doucement, que je me suis élancée de mon lit en me demandant avec effroi, mes amies, s’il faut que je ne revoie plus jamais le plus noble parmi les hommes.

Le Coryphée. — Pas de paroles de mauvais augure : je vois s’avancer un homme avec une couronne sur la tête[2] ; il vient nous réjouir avec de bonnes nouvelles.

Entre un homme du peuple.

Le Messager. — Déjanire, ma maîtresse, je serai le premier messager[3] qui mettra fin à tes craintes : le fils d’Alcmène, apprends-le, est vivant, victorieux, et du combat il apporte des prémices pour les dieux indigènes.


    fragm., v. 11 et 12) est erroné. On remarquera d’ailleurs que dans ces derniers vers l’adjectif μία, dont le sens est capital, n’a pas été omis.

  1. Sur le chêne de Dodone et ses colombes, cf. Jebb, Appendix de son édition des Trachiniae, p. 201-7.
  2. Comparer dans l'Œdipe-Roi v. 80 sqq., l’arrivée subite de Créon, qui vient de Delphes avec une réponse qu’il croit favorable.
  3. Cet homme ne porte dans la pièce le titre de Messager qu’à cause des premières paroles qu’il prononce. En réalité, il est de Trachis. De la même manière, au début de l'Œd. à Col. le Coloniate qui rencontre Antigone et son père n’est appelé un Étranger (cf. v. 49, 75, 81) que parce qu’il est un étranger pour Œdipe.