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lui-même, terreur des lances de l’ennemi ; il croit surtout en ce pays : c’est l’olivier aux feuilles pâles, nourricier des enfants[1]. Les chefs ennemis, jeunes ou vieux[2], ne le détruiront jamais, car l’œil toujours ouvert de Zeus Morios veille sur lui et Athéna aux yeux brillants.

J’ai à rappeler une autre gloire, la plus belle de notre patrie ; un dieu nous l’a donnée, elle fait l’orgueil suprême de ce pays : la vigueur de ses chevaux, leur race auguste, sa puissance sur la mer. O fils de Cronos, car c’est toi qui as élevé Athènes à ce degré de gloire, roi Poséidon, tu as inventé pour les chevaux, en cette contrée première à s’en servir, le frein qui les dompte. Et c’est merveille de voir comme la rame agile, adaptée aux mains des matelots, bondit sur la mer, rivale des innombrables Néréides[3].

On voit de loin arriver Créon, accompagné d’une suite de gardes.

Antigone. — O pays, glorifié par de telles louanges, c’est à toi maintenant d’illustrer ces éclatants hommages.

Œdipe.(Subitement inquiet.) Qu’est-ce qui arrive d’inattendu, ma fille ?

Antigone. — Créon se dirige vers nous ; il approche ; il ne manque pas de gens qui l’accompagnent, mon père.

  1. L’expression a été expliquée de plusieurs manières. Pour Ellendt, c’est une allusion à l’huile employée dans les palestres, où grandissaient les jeunes Athéniens. D’autres rappellent que, selon Hésychios, à la naissance d’un enfant mâle, les Athéniens suspendaient à leur porte une couronne d’olivier. Jebb rapproche (cf. Aristoph. Thesmoph. 295 sqq.) ce qui se passait aux Thesmophories, où à Déméter et à Coré, précédemment désignées, on associait d’autres divinités, notamment Gé, déesse nourricière des enfants, κουροτρόφος. Des trois explications la première, la plus simple, paraît la plus vraisemblable.
  2. Allusion possible à Xerxès et à Archidamos II auxquels il semble que le poète ait déjà songé, en donnant à l’olivier l’épithète ἀχείρωτον (cf. Hérodote, VIII, 55) et en ajoutant qu’il causait l’effroi des lances ennemies. (Voir la scholie du v. 698.)
  3. Il m’a paru intéressant de placer à côté de la description de Sophocle ce qu’on voit aujourd’hui, à Colone même et dans les environs, avec des veux modernes : « Cette butte où s’élèvent les deux