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boira un jour leur sang chaud, si Zeus est encore Zeus et si Phœbos, son fils, est véridique. Mais — car je n’ai pas envie de révéler ce qu’il ne faut pas dire, — laisse-moi m’en tenir où j’ai commencé, observe seulement ta promesse et jamais tu ne diras que tu as reçu en Œdipe un inutile habitant de ce pays, si toutefois les dieux ne me mentent pas.

Le Coryphée. — Roi, depuis longtemps déjà ces oracles et d’autres semblables, cet homme en promet l’accomplissement pour le bien de notre contrée.

Thésée. — Qui donc rejetterait la bienveillance d’un tel homme ? D’abord, mon foyer hospitalier lui a toujours été commun[1] ; ensuite, arrivé comme suppliant des divinités, ne paie-t-il pas à ce pays et à moi-même un tribut considérable ? Honorant ces droits, jamais je ne repousserai ses bienfaits. Au contraire, je lui assurerai un asile dans la contrée. — (Au Coryphée.) S’il plaît à l’étranger de rester ici, je t’assignerai le soin de le garder ; s’il lui plaît de venir avec moi… je te laisse la liberté, Œdipe, d’agir comme tu l’auras décidé : ta volonté sera la mienne.

Œdipe. — O Zeus, puisses-tu être propice à de tels hommes !

Thésée. — Que désires-tu donc ? Venir dans mon palais ?

Œdipe. — Si cela m’était permis ; mais c’est dans ce pays…

Thésée. — Qu’y feras-tu ? Je ne m’y opposerai pas.

Œdipe. — Que je triompherai de ceux qui m’ont exilé…

Thésée. — Grand serait le bienfait de ta présence.

Œdipe. — Si tu restes fidèle à tes promesses et si tu t’en acquittes.

  1. S’il existe des liens d’hospitalité entre les Labdacides et les Égéides, — et dans les Suppliantes d’Euripide Thésée, v. 930, dit que Polynice est son hôte, — comment Œdipe, en face de l’Acropole, peut-il demander à l’homme du pays qu’il a rencontré, quel est le roi des Athéniens ? (Cf. v. 66 sqq.) Il devrait bien connaître ce roi au moins de nom. Pour un moderne (voir l’édition de Radermacher) l’objection est fondée, mais au théâtre, elle ne compte pas. Cf. p. 149, note 2.