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sur l’autre continent[1] ? dis-le-nous, toi qui de tous les dieux as la vue la plus puissante.

Car j’apprends que dans son esprit amoureux, Déjanire, cette femme que des rivaux se disputèrent, pareille à un oiseau malheureux, n’endort jamais le désir de ses paupières et n’arrête pas leurs larmes, mais qu’elle nourrit une vive inquiétude, à cause de l’absence de son époux, et quelle se consume sur sa couche angoissée, solitaire, n’attendant plus, l’infortunée, qu’un sort funeste.

Très large.

Comme on voit sur la mer immense les flots innombrables, soulevés par le souffle infatigable de Notas ou de Borée[2], s’en aller et revenir, ainsi la vie du héros thébain est bouleversée et tourmentée, comme s’il naviguait sur la mer crétoise. Mais toujours un dieu le fait réussir et l’écarté des demeures d Hadès.

Aussi de ces inquiétudes Je te blâmerai avec déférence. Je le ferai pourtant. Il ne faut pas ainsi. Je t’assure, épuiser ta bonne espérance. Le fils de Cronos lui-même, le roi souverain,


    rore Hélios, quand elle meurt, et chaque soir, quand elle renaît, elle l’assoupit dans les feux du couchant. Elle est, en effet, mère de l’Aurore, de la lumière. (Cf. Esch. Agam. 265, 279.) Et quand Hélios brille dans le ciel, rien n’échappe à ses regards. Comme les Grecs jouaient leurs drames en plein air, l’acteur dans les circonstances solennelles s’adressait naturellement au dieu, comme à un personnage toujours présent. En quittant la vie, Ajax lui dit un adieu célèbre, v. 856 sqq.. Ailleurs, on le salue au milieu d’un succès dont il est témoin et qu’on lui attribue. (Cf. Antig. 100 sqq.) Ces invocations sont d’autant plus naturelles, que dans trois pièces de Sophocle sur sept (cf. vol. I, p. 81, note I) l’action commence avec l’apparition, le lever du dieu.

  1. Pour les Grecs, comme le dit expressément Isocrate (Discours panégyrique, 179) la terre entière, aussi loin qu’elle s’étend sous le ciel, forme deux parties distinctes, l’Asie et l’Europe, car l’Afrique, qu’ils ignoraient à peu près totalement, n’était distinguée ni de l’un ni de l’autre continent.
  2. Ces deux vents soufflent dans une direction opposée, le Notos étant un vent du sud, l’autre du nord. Il y a probablement ici un souvenir de l'Iliade II, 396, comme le suggère Jebb.