Œdipe. — Celle d’Antigone et la mienne ?
Ismène. — Et la mienne aussi, infortunée.
Œdipe. — Ma fille, pourquoi es-tu venue ?
Ismène. — Par sollicitude pour toi, mon père.
Œdipe. — Est-ce que tu me regrettais ?
Ismène. — Je voulais aussi t’apporter des nouvelles avec le seul serviteur que j’avais de fidèle.
Œdipe. — Mais tes frères, où sont-ils, ces jeunes hommes, pour prendre cette peine ?
Ismène. — Ils sont où ils sont : ce qui vient de se passer entre eux est terrible.
Œdipe. — Comme leur caractère et leur genre de vie sont en tout semblables aux coutumes de l’Égypte ! Là-bas les hommes restent assis dans la maison à tisser, et celles qui vivent avec eux vont sans cesse au dehors pour se procurer ce qui est nécessaire à la vie[1]. De vous quatre, mes enfants, ceux qui devaient s’occuper de leur père, restent près du foyer comme des vierges, et vous deux à leur place vous supportez douloureusement les misères de mon infortune. L’une, depuis qu’elle a cessé sa vie d’enfant et qu’elle a pris de la force, errant toujours, l’infortunée, avec moi, conduit le vieillard ; souvent marchant au hasard dans la forêt sauvage, sans pain, pieds nus, exposée aussi aux pluies fréquentes et aux brûlures du soleil, malgré ses épreuves, la malheureuse, elle dédaigne la vie paisible du foyer, pourvu que son père ait de la nourriture. Et toi, ma fille, précédemment tu es venue apporter à ton père, à l’insu des Cadméens, tous les oracles qui me concernent,
- ↑ Polynice et Étéocle sont restés à Thèbes, tandis que leurs sœurs courent les routes, pour venir en aide à leur père. Les fils, les filles d’Œdipe vivent donc comme les Égyptiens, chez qui les femmes vont au marché et font du trafic, tandis que les hommes restent à la maison à tisser. Sophocle avait lu Hérodote II, 35. (Cf. vol. I, p. 74 sq.) Ce qui trahit l’imitation, c’est que la comparaison ne serait juste que si Polynice et Étéocle restaient inactifs à Thèbes, or, dit Ismène, une querelle terrible vient de s’élever entre eux.
par une courroie. Quand on est fatigué de le porter sur la tête, on le rejette en arrière, sur le dos.