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nous ; elle est montée sur une mule de Sicile[1] ; elle a sur la tête, pour la protéger contre le soleil, un chapeau thessalien qui lui couvre le visage[2]. Que dire ? est-ce elle, oui ou non ? est-ce une illusion ? Mais oui, c’est elle… mais non… Je ne sais que penser, malheureuse. — (Pendant ces hésitations, l’inconnue met pied à terre, laisse la bête à un esclave et, à pied, continue d’approcher.) Mais oui, c’est bien elle ; joyeuse, elle me caresse des yeux, à mesure qu’elle avance : oui, c’est elle, c’est bien elle, ma chère Ismène.

Œdipe. — Que dis-tu, mon enfant ?

Antigone. — Que ta fille, ma sœur, est ici. Au son de sa voix tu vas bientôt pouvoir la reconnaître.

Entre Ismène.

Ismène. — mon père, ma sœur, quelle double joie de vous adresser la parole ! Que de mal j’ai eu à vous trouver ! Au travers de mes larmes, je vous reconnais à peine.

Œdipe. — Mon enfant, tu es là ?

Ismène. — O père, que de douleur me cause la vue de ton infortune !

Œdipe. — Mon enfant, tu es donc ici ?

Ismène. — Ce n’a pas été sans peine pour moi.

Œdipe. — Touche-moi, mon enfant.

Ismène. — Je vous embrasse l’un et l’autre ensemble.

Œdipe. — O ma fille, mon sang !

Ismène. — Existences toutes deux malheureuses !


    porté la nouvelle à la ville. Tout cela est très intelligible et on ne voit pas de raison sérieuse pour suspecter ces vers.

  1. Tel est, depuis Boeckh, le sens donné au mot πῶλος : il serait synonyme d’ἡμίονος. On peut aussi penser à un jeune cheval, mais les femmes voyageaient surtout à dos de mules, sur lesquelles on plaçait une large selle, une ἀστράϐη : l’Invalide de Lysias (XXIV, 11) regrettait de ne pas avoir assez d’argent pour s’en acheter une. — Les spectateurs ne voyaient pas la bête : Ismène faisait à pied son entrée sur la scène. Dans l’Iphig. à Aulis, jouée quatre ans avant l’Œd. à Col., Clytemnestre accompagnée d’Iphigénie et portant sur ses bras le petit Oreste endormi faisait v. 590 sqq. sur un char son entrée dans le théâtre.
  2. Le πέτασος est bien connu : c’est un vaste chapeau de paille tressée, analogue à celui des Chleuh marocains ; il est attaché au menton