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NOTICE

la première fois son innocence par ses propres compatriotes : cet acquittement adroit prévenait toutes les protestations.

La précaution était d’autant plus utile qu’on n’était pas d’accord sur le lieu où Œdipe avait été enterré[1] et que, même dans Sophocle, il y a des traces de cette incertitude.

Dans l’Antigone, il place encore ce tombeau à l’endroit traditionnel, à Thèbes[2], mais dans l’Œdipe-Roi, chose curieuse, il paraît déjà hésiter et ne le fixe plus nulle part. En tout cas, ce tombeau n’est plus chez les Thébains, puisque Œdipe s’interdit à lui-même de continuer sa vie parmi eux[3]. Ne soyons pas surpris de ces contradictions. La légende d’Œdipe, dont on s’est beaucoup occupé dans l’antiquité[4], était pour cette raison même d’une instabilité déconcertante, ce qui a permis à Sophocle d’arranger les choses comme il lui a plu.

Œdipe prétend donc que si les Coloniates consentent à l’accueillir et si Thésée veut bien, après sa mort, lui accorder une sépulture, son corps protégera les Athéniens contre les gens de Thèbes. Ainsi l’a prédit l’oracle de Delphes. De la même manière, comme on l’a remarqué, Eurysthée dans les Héraclides d’Euripide, pour remercier Athènes de lui avoir épargné la vie, avait demandé à sa mort d’être enterré en Attique, devant le sanctuaire d’Athéna, à Pallène, parce que Loxias, exactement comme dans l’Œdipe à Colone, avait annoncé qu’il serait plus tard un sauveur des Athéniens et, lorsque les Héraclides, c’est-

  1. On plaçait cette sépulture au moins en quatre endroits : Thèbes, Céos, Étéonos, Colone. Cf. Iliade XXIII, 679 ; schol. d’Œd. à Col. v. 91. Cf. C. Robert, Oidipus I, p. 1-47.
  2. Antigone, 897 sqq.
  3. Œd. R. 236 sqq. Cf. 816 sqq. 1340 sqq. 1381 sqq. 1436 sq. Cf. 454 sqq.
  4. Voici d’après Nauck la liste des poètes tragiques qui ont écrit un Œdipe, Eschyle (467), Euripide, Achéos d’Érétrie, Carcinos, Diogène de Sinope, Nicomaque, Philoclès, Théodecte, Xénoclès, sans compter Sophocle, qui en a écrit deux.