avoir abattu Œdipe, de le relever eux-mêmes avant qu’il meure. Cette nécessité morale est formulée par Ismène :
Voilà la pensée d’où l’Œdipe à Colone est sorti. À la fatalité impitoyable de la légende est substituée cette haute idée de la justice divine, à laquelle Sophocle fait plusieurs fois allusion dans ses drames, surtout pour en constater les défaillances[2]. Après une vie de malheur et d’opprobre, Œdipe, en mourant, se transfigure devant nous et devient presque un dieu.
Ici se pose une question grave : est-ce Sophocle qui a ainsi redressé les choses ? Cela semble vraisemblable. Dans les Phéniciennes, Œdipe reste celui que le Destin a dès sa naissance accablé de l’infortune la plus lourde qu’un homme ait jamais connue[3]. Pourtant, il va mourir à Colone, comme dans Sophocle, mais il ne prévoit pas encore la gloire qui l’y attend. S’il donne sa main à Antigone pour qu’elle l’y conduise, l’un et l’autre s’acheminent vers un exil qu’ils disent lamentable[4]. Ainsi, des deux poètes il semble que le plus novateur ait été cette fois le plus traditionnaliste.
Mais Euripide n’était pas né à Colone. Sophocle, comme il est constaté dans le premier Argument[5], a fait plaisir aux gens de son dème en y enterrant Œdipe. S’il avait mené chez eux un coupable, aurait-il obtenu ce résultat ? Il était donc obligé d’absoudre le criminel. Aussi a-t-il pris soin, comme on l’a vu, de faire proclamer pour
- ↑ Œd. à Col. 394. — Comparer ce que dit le chœur 1565 sq. au moment même où s’accomplit le relèvement d’Œdipe, quand il meurt.
- ↑ Antigone 922 sqq., Trach. 993 sqq., 1266 sqq., Philoct. 416 sqq., 428 sqq., 446 sqq., 1020 sqq.
- ↑ Phénic. 1595 sqq.
- ↑ Phénic. 1710 sqq.
- ↑ Ὅ (= τὸ δρᾶμα)… ἐποίησε, χαριζόμενος οὐ μόνον τῇ πατρίδι, ἀλλὰ καὶ τῷ ἑαυτοῦ δήμῳ.