montrer un jour, débarqué de son vaisseau, au milieu des Argiens ? Non, cela n’aura pas lieu. J’écouterais plutôt mon plus odieux ennemi, le serpent qui m’a ainsi estropié. Mais il est capable, le misérable, de tout dire, de tout oser. Et maintenant il va venir, j’en suis sûr. Sauvons-nous, mon enfant ; qu’une vaste étendue de mer nous sépare du vaisseau d’Ulysse. Partons : l’ardeur opportune amène, après l’effort, sommeil et repos.
Néoptolème. — Donc, quand le vent qui vient de la proue, sera tombé, alors nous appareillerons, car maintenant nous l’avons debout.
Philoctète. — Toujours une traversée est favorable, quand on échappe au malheur.
Néoptolème. — Non pas ; d’ailleurs pour nos ennemis aussi ce vent est contraire[1].
Philoctète. — Il n’y a pas de vent contraire pour des pirates, quand il s’agit de voler et de piller à main armée.
Néoptolème. — Eh bien, si tu veux, partons, quand tu auras pris dans ta grotte ce dont tu as le plus besoin, ce à quoi tu tiens le plus.
Philoctète. — Il y a des choses qui me sont indispensables, mais le choix n’en sera pas long.
Néoptolème. — Que peut-il y avoir que tu ne trouves pas sur mon navire ?
Philoctète. — J’ai une plante qui précisément me sert à endormir chaque accès de mon mal : le calme qu’elle me donne est complet.
Néoptolème. — Prends-la donc. Que veux-tu encore emporter ?
Philoctète. — Je vais voir s’il ne s’est pas, par mégarde, égaré une de mes flèches, pour ne la laisser prendre à personne.
Néoptolème. — L’arc que tu as maintenant est-il celui qui est si célèbre ?
- ↑ Le vent est supposé souffler du S.-O. : c’est le Notos. Philoctète qui veut aller en Grèce ne peut donc pas mettre à la voile, et ceux