Page:Sophocle (tradcution Masqueray), Tome 2.djvu/170

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plairai dans ma demeure. Maintenant je vais aller au navire. Et toi, fils de Pœas, porte-toi bien, adieu : puissent les dieux te délivrer de ton mal, comme tu le veux toi-même. Nous, allons-nous-en, pour que, quand le dieu nous permettra de naviguer, nous partions aussitôt.

Philoctète. — Déjà, mon enfant, vous appareillez ?

Néoptolème. — Ce n’est pas de loin, c’est de près qu’il faut épier l’occasion de mettre à la voile.

Philoctète. — Ah ! par ton père, par ta mère, mon enfant, par tout ce que tu peux avoir encore de cher à ton foyer, suppliant, je t’en conjure, ne me laisse pas ainsi seul, abandonné, au milieu de ces maux qui m’entourent, ceux que tu vois, ceux dont tu as entendu le récit, mais prends-moi à ton bord, en surcroît. L’incommodité de ce fardeau, je le sais, sera grande ; pourtant, supporte-la. Les êtres généreux tiennent ce qui est honteux pour haïssable et ce qui est noble pour glorieux. Si tu ne fais pas ce que je dis, ce sera pour toi un déshonneur infamant ; si tu le fais, mon enfant, la gloire pour toi sera immense au cas où j’arriverai vivant sur la terre de l’Œta. Allons, cela ne te coûtera pas un jour entier d’ennui, aie ce courage, jette-moi n’importe où, pourvu que tu m’emmènes, à fond de cale, à la proue, à la poupe, où j’incommoderai le moins mes voisins. Fais un signe d’acquiescement, au nom de Zeus lui-même, le dieu des suppliants, mon enfant, laisse-toi persuader. Je me jette devant toi sur les genoux, bien que je sois estropié, malheureux que je suis, boiteux. Ne me laisse pas ainsi à l’abandon loin de tout vestige humain, au contraire, sauve-moi, mène-moi dans ton pays ou dans les ports eubéens du


    armes d’Achille, attribuées d’abord à Ulysse, avaient été restituées par Ulysse à Néoptolème, dès que celui-ci arriva de Scyros : καἱ Νεοπτόλεμον Ὀδυσσεὑς ἐκ Σκύρου άγαγὡ, dit expressément Proclos d’après la Petite Iliade (p. 583 b, Didot) τἁ ὅπλα δίδωσι τἁ τοῦ πατρός. C’est, en effet, la première chose qu’Ulysse avait à faire, après avoir amené le jeune homme à Troie. S’il avait gardé ces armes, il ne pouvait rien lui demander. Il lui permet de le couvrir d’injures devant Philoctète. Encore faut-il que ces injures ne soient pas méritées, autrement le cynisme d’Ulysse et l’humiliation du fils d’Achille