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passé et des poursuites d’Achélôos[1] : ce qui prouve que le mariage d’Héraclès avec Déjanire n’avait pas été imaginé par Pindare.

Ce mariage est aussi dans Bacchylide qui nous dit comment la jalousie perdit la malheureuse. Elle apprend que le fils de Zeus emmenait dans sa demeure Iole aux bras blancs, pour faire d’elle sa florissante épouse. Elle emploie, afin de ramener à elle celui qui l’oublie, le sortilège fatal qu’elle avait reçu de Nessos et cela, dit le poète, devait lui coûter bien des larmes[2].

Si l’on ajoute à ces données, que Sophocle a conservées fidèlement, les faits compilés beaucoup plus tard[3] par les mythographes, on remarque aussitôt une chose : les Travaux d’Héraclès étaient tous antérieurs à son union et il ne la contractait qu’après les avoir accomplis. Dans les Trachiniennes, au contraire, c’est aussitôt après son mariage avec Déjanire que ces Travaux commencent. Pourquoi Sophocle a-t-il fait cette interversion ? Mais ne veut-il pas nous représenter en Déjanire une femme qui peine et qui souffre pour l’être qu’elle aime ? Ne doit-elle pas, comme elle le dit[4], n’être délivrée d’une crainte que pour en nourrir aussitôt une autre ? Il fallait donc qu’elle restât seule au foyer et que son époux vécût loin d’elle : les Travaux justifièrent son éloignement, sans compter qu’Héraclès n’était pas fait pour mener une vie paisible auprès de sa femme.

Seulement, au théâtre comme dans la vie ordinaire, les absents ont toujours tort. Déjanire attire sur elle toute notre attention. Puisque le poète ne pouvait pas nous mettre sous les yeux son époux dans l’accomplissement de

  1. Dion Chrysost. Or. LX ; Archil. fr. 147 (Bergk*, II). Cf. A. Hauvette, Archiloque, p. 171 sqq.
  2. Voir l’édition de Blass, XVI, Ὴρακλῆς, et la traduction de Desrousseaux, p. 55 sq.
  3. Apollodore et Diodore. Cf. Jebb dans son Introduction des Trachiniae p. XXIV.
  4. Trach. 27 sqq.