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ensuite ce qui me reste à te dire, je te l’expliquerai et tout marchera d’accord entre nous deux.

Néoptolème. — Roi Ulysse, pour faire ce que tu dis, je n’ai pas besoin d’aller loin : je pense que j’aperçois une grotte comme celle dont tu viens de parler.

Ulysse. — En haut ? en bas ? Je ne distingue point.

Néoptolème. — Là, au-dessus, on n’entend aucun bruit de pas.

Ulysse. — Prends garde que pour faire la sieste il ne se soit mis en plein air.

Néoptolème. — Je vois une demeure vide ; il n’y a personne.

Ulysse. — Et dedans tu ne trouves rien qui ait été mis en réserve, et qui prouve qu’elle est habitée ?

Néoptolème. — Si, un lit de feuilles, comme pour y passer la nuit.

Ulysse. — Et le reste est vide ? Il n’y a rien à l’intérieur ?

Néoptolème. — Si, Une coupe en bois, œuvre de quelque artisan grossier ; et voici aussi de quoi faire du feu.

Ulysse. — Cela lui appartient : ce sont ses provisions.

Néoptolème. — Ah ! voici autre chose : des loques qui pèchent au soleil ; elles sont pleines d’un pus épais[1].

Ulysse. — Notre homme habite ici ; c’est clair ; il est quelque part, dans le voisinage. Comment, en effet, puisqu’il a depuis si longtemps le pied malade, pourrait-il aller au loin ? Il est sorti pour chercher de la nourriture ou quelque plante qui calme sa souffrance, s’il en connaît quelque part. — Envoie donc en observation le serviteur ici présent, de peur que Philoctète ne me surprenne à l’improviste : il aimerait mieux me prendre, plutôt que tous les Argiens.

Néoptolème. — Il s’en va et le sentier sera bien gardé.

  1. Le détail significatif est réservé pour la fin. Il est vrai que ce détail est répugnant, mais le mot νοσηλεία du texte grec n’a pas exactement le sens du mot français qui le traduit et, d’autre part, l’asepsie, chacun le sait, est une chose toute moderne. Cf. Notice, p. 68, note 7.