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En quel pays avait-il été ainsi mordu ? A Ténédos, disaient les uns[1]. Mais cette île voisine de la côte d’Asie et à très peu de distance d’Ilion, n’est pas sur la route de Lemnos pour qui vient de la côte opposée. On chercha autre chose. On plaça l’accident dans l’îlot de Chrysé, sur la côte orientale de Lemnos. Il est d’ailleurs inutile de chercher à préciser où pouvait se trouver cet îlot, puisque de très bonne heure, nous dit-on[2], il disparut englouti dans la mer.

On modifia aussi d’autres détails. Dans les Cypriaques, Philoctète est mordu pendant un repas par un serpent d’eau, ce qu’on comprend mal. Dans Sophocle les choses sont plus naturelles. Chrysé est une île[3] ; c’est aussi une nymphe[4], à laquelle l’île est consacrée. Cette nymphe a un sanctuaire que cherche Philoctète, pour y offrir un sacrifice[5] Et comme le sanctuaire est gardé — de même que l’Érechthéion d’Athènes, — par un serpent, l’animal pique l’imprudent qui y pénètre.

On le laisse donc à Lemnos, et c’est Ulysse qui sur l’ordre des Atrides est chargé de ce soin. Pour rendre, semble-t-il, son abandon plus cruel, Sophocle prévient


    pas que c’est seulement depuis Pasteur que les blessures ne s’infectent plus.

  1. Cypriaques. Voir l’abrégé de Proclos, Didot, p. 582 b. — Le schol. de Sophocle, Philoct. 270 dit que Philoctète fut piqué dans l’île de Lemnos même, quand il voulait élever un autel à Héraclès. Cette version est aussi celle d’Hygin, Fab. 102.
  2. Pausanias, VIII, 33, 4.
  3. Philoct. 269 sq.
  4. Philoct. 194 et 1326 sq. — Le scholiaste, v. 194, dit que Chrysé était amoureuse de Philoctète et parce que celui-ci ne fit pas attention à Chrysé, elle devint ὠμόφρων à son égard. Cette version a été à bon droit négligée par Sophocle : Philoctète est vieux, mal odorant, et s’il a été autrefois un prétendant d’Hélène (cf. Apollodore III, 10, 8, 2) ce temps-là est loin. — Il n’y a pas lieu de s’arrêter à l’opinion, rappelée ici par une seconde scholie (cf. l’Argument en vers du Philoctète) de ceux qui faisaient de χρυσῆ une épithète d’Athéna.
  5. Sophocle n’en dit rien. Euripide est plus explicite : pour que l’expédition réussit, les Grecs devaient sacrifier sur l’autel de Chrysé ; Philoctète cherche cet autel, il contribue ainsi au salut